Athletissima x lematin.ch

En Suisse, le niveau ne cesse de monter depuis huit ou dix ans, depuis que l’Euro 2014 à Zurich a suscité des vocations et redonné un élan à l’athlétisme, avec l’appui de sponsors fidèles. Les médailles, qui étaient redevenues très rares depuis le début du siècle, recommencent à tomber à intervalles réguliers, au plan européen surtout. Mais il reste un cap à franchir. Celui qu’étaient parvenus à passer un André Bucher au tournant du siècle sur 800 m, mais surtout un Werner Günthör au poids dans les années 1980-90: être le champion incontestable d’une discipline, la valeur étalon!

Günthör, c’est trois titres mondiaux aux Championnats du monde en plein air et une médaille de bronze aux JO. C’est aussi le colosse charismatique capable de sauter à plus de 2 m en hauteur et de dompter les très impressionnants lanceurs d’Allemagne de l’Est.

Bucher, c’est le vainqueur aux Mondiaux 2001 et de la Golden League (l’ancêtre de la Diamond League) la même année. Le top du top. Depuis? L’élite suisse s’est densifiée comme jamais, maints records sont tombés, les athlètes féminines, sprinteuses ont particulier, ont conquis les cœurs, dans la foulée du très populaire 4x100 m, la Suisse a retrouvé de très bons coureurs de fond, des sauteurs… Mais il manque un «petit quelque chose». Il est permis de rêver que l’athlétisme helvétique trouve encore son bijou des bijoux, une sorte de Roger Federer ou de Fabian Cancellara de l’athlé, celle ou celui qui électrisera plus largement le grand public. Ce serait la conquête «ultime».

Ehammer, s’il se spécialise

Cette pépite est-elle née ? «Je vois un athlète qui pourrait éventuellement atteindre ce statut», répond Laurent Meuwly, l’entraîneur fribourgeois mondialement reconnu en charge désormais de l’athlétisme néerlandais. «C’est Simon Ehammer. A condition qu’il arrête le décathlon et se consacre exclusivement au saut en longueur.» L’Appenzellois vient de remporter le bronze à la longueur aux Mondiaux à Eugene avec 8m16. Et il détient aussi le record du meilleur saut (8m45) jamais réalisé dans un décathlon. De quoi se demander s’il fait bien de persévérer dans les concours multiples, sachant que son record de Suisse du décathlon se situe à plusieurs centaines de points du total des meilleurs mondiaux mais qu’il reste peu de monde «au-dessus» de lui à la longueur.

Pour Laurent Meuwly, l’affaire est entendue: «Simon a un déficit trop important dans les lancers (ndlr : il plafonne à moins de 40 m au disque). Et s’il cherche à le corriger, cela risque de le pénaliser dans ses disciplines fortes du décathlon.» Il serait donc bien inspiré de se spécialiser. Pour le public d’Athletissima, un Simon Ehammer sauteur en longueur permettrait de le voir à l’œuvre avec les meilleurs à la Pontaise, mais pas cette année, l’épreuve n’étant pas inscrite au programme, aux côtés d’autres grands espoirs helvétiques de l’athlétisme qui ont peut-être aussi le potentiel pour devenir des stars majeures. Du reste, on en voit poindre une en Suisse romande, même si la route est longue…